Transhumanisme et djihadisme seraient-ils apparentés ? Et si la conception atomiste du théologien musulman Al-Achari (Xe siècle) et celle du philosophe français René Descartes (XVIIe siècle) offraient, par leur théorie du corps, un terreau propice au transhumanisme et au djihadisme ?
Le corps humain n’a peut-être jamais été, autant qu’aujourd’hui, objet d’espoir et en même temps de manipulation.
L’évolution des techniques biologiques et médicales laisse espérer la guérison de maladies génétiques mais nourrissent aussi des projets de transformation du corps humain qui donnent lieu à ce qu’on appelle le transhumanisme.
Par ailleurs, les religions monothéistes proposent depuis longtemps une analyse du corps humain qui nourrit, elle aussi, de grands espoirs, tels que la résurrection, mais nous sommes confrontés aujourd’hui, à travers le djihadisme, à une interprétation extrémiste de la religion musulmane qui n’hésite pas à instrumentaliser le corps pour tuer et terroriser.
Or le transhumanisme et le djihadisme se recoupent sur un point : le corps est morcelé, machine pour l’un, inconsistant pour l’autre. D’où provient cette conception du corps divisé ?
La conception transhumaniste du corps trouve sa source dans l’animal-machine de Descartes (XVIIe siècle) et la conception djihadiste du corps pourrait bien trouver son origine dans la conception atomiste et occasionnaliste d’Al-Achari (Xe siècle).
Il est intéressant aussi de noter que ces deux auteurs se retrouvent dans l’idée d’un pur volontarisme divin. Il s’agira donc de comparer ces deux conceptions qui, par leur théorie du corps et du volontarisme divin, offrent un terreau favorable à ces formes extrêmes que constituent le transhumanisme et le djihadisme, bien qu’elles s’y opposent par d’autres aspects.
Mais il faudra montrer aussi que ces conceptions du corps s’opposent à celle d’Aristote, lequel, par contrecoup, se trouve être le plus sûr rempart contre des conceptions réductionnistes du corps, d’autant plus que sa conception unifiée du corps a été relayée par Thomas d’Aquin (XIIIe siècle), lequel a critiqué le volontarisme divin défendu par des théologiens musulmans.
Ce faisant, on trouve aussi chez lui des arguments à opposer au transhumanisme.
Ainsi, à ces deux transcendances illusoires que sont le transhumanisme et le djihadisme, on peut opposer une transcendance respectueuse de la consistance du corps.
Le bulletin officiel
Retrouvez dès maintenant le numéro 108 du bulletin officiel de l’association qui sera diffusé à l’occasion de cette séance :
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L’intervenant : Michel Ferrandi
Né en 1963 à Toulon, Michel Ferrandi est professeur agrégé de philosophie au lycée Dumont d’Urville en classes préparatoires aux grandes écoles scientifiques et commerciales.
Il est l’auteur de plusieurs livres, dont L’action des créatures (Éditions Téqui, 2003) et Introduction à la philosophie réaliste (Publibook, 2009), ainsi que de nombreux articles sur des sujets divers (métaphysique, éthique, politique).
Michel Ferrandi appartient au courant thomiste et se réclame plus directement de Jacques Maritain, philosophe chrétien qui a marqué le XXème siècle.
Il interviendra ce soir pour la troisième fois au Café Philo La Garde.